La sortie scolaire (4)

Quatrième épisode

Si vous prenez l’histoire en cours de route, je vous conseille de lire les épisodes précédents, par ici:

Il sautille allègrement devant moi, se retourne avec un sourire qui me glace le sang. Je m’aperçois qu’il ne fait ni partie de la classe de Nathan, ni de l’autre. À vrai dire, je ne l’ai jamais vu auparavant. Je voudrais bien dire quelque chose d’intelligent, ou au moins d’intelligible, mais le seul son qui sort de ma bouche c’est :

— Maistuquoidoù ?

Oui, comme cela, tout attaché. Le petit incline légèrement la tête, sourit de nouveau mais son regard est vide ou plutôt non, trop plein. Je ne sais pas mais il a quelque chose qui me serre la gorge. A-t-il des pupilles ? Ses iris sont tellement noirs que je ne les vois pas. Je voudrais lui demander d’où il vient et ce qu’il fait là mais je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche qu’il se remet à courir à toute vitesse. Et moi, sans savoir pourquoi, je pars à la poursuite d’un gosse chelou que je ne connais pas alors que la cheftaine scoute doit se demander ce que je suis en train de faire. Je pourrais très bien appeler la police pour les prévenir qu’un enfant bizarre court tout seul dans les bois, mais mon corps ne répond plus. Mes jambes sont en pilote automatique. J’esquive des branches qui manquent de m’éborgner, je me tords la cheville dans un trou, les arbustes me griffent mais je continue de suivre « Chucky ». Mais qu’est-ce qu’il me prend ? Je regarde à droite, à gauche, les arbres me paraissent plus sombres, la forêt plus dense et surtout je ne vois plus aucun chemin. Si cela se trouve, je suis en train de me métamorphoser en sanglier. Je préférerais en biche mais vu ma grâce naturelle, je n’y crois pas trop. Bêtement je regarde si des poils ne me poussent pas sur les mains, non, a priori tout est normal. Et je cours toujours. Le petit, enfin le mini-humanoïde s’éloigne de plus en plus. Est-ce lui qui accélère ou moi qui ralentis ? Je fais une pause pour respirer, mes poumons vont exploser, mon cœur crie à l’aide. Il ne faut pas que je meure, là, toute seule comme une imbécile, au milieu des bois. Je n’ai pas envie de finir dans Affaires sensibles ! * J’entends déjà la voix de Fabrice Drouelle :

Aujourd’hui, nous revenons sur la mystérieuse affaire de l’inconnue des bois, qui, après avoir été retrouvée dans un état de décomposition avancée n’en permettant pas son identification immédiate, a longtemps été une énigme pour les gendarmes. Qui était-elle ? Que faisait-elle au milieu des bois ? Elle a finalement été reconnue comme étant la mère de famille disparue il y a quelques mois de cela, après qu’elle est partie à la recherche d’un enfant fugueur. C’est cette histoire que nous allons raconter. Dans une seconde partie, Papa de Mathis viendra nous parler du livre qu’il a publié à ce sujet en tant que principal témoin de l’affaire.

Ce n’est pas non plus le bon moment pour que mon cerveau me crie « Projet Blair Witch »! Parce que je suis dans les bois, et qu’il commence à faire nuit et que chaque fois que je passe près d’un bois à la tombée du soir, j’accélère pour ne pas me retrouver prise au piège d’une sorcière maléfique. Allons-y gaiement, pensons à Massacre à la tronçonneuse tant qu’on y est. Entre deux respirations de phoque je lève la tête. Je ne vois plus le gamin. Je regarde tout autour de moi, rien. Disparu comme il était venu. Résumons la situation : Je suis à l’article de la mort, une cheville en vrac, toute seule au milieu des bois, il commence à faire nuit par-dessus le marché. Mais combien de temps j’ai couru comme cela ? Mon ventre commence à gargouiller. Elles sont bien loin mes chips et je n’ai pas eu le temps de prendre un goûter avant de courir après Lucas. Enfin, c’est ce que je croyais. Note pour plus tard : quelles que soient les circonstances, avoir toujours sur soi un petit sac avec une gourde, un paquet de gâteau, un couteau et un slip. (Parce que je commence à avoir peur et je risque de me faire pipi dessus). Bon. Il ferait quoi Dwayne Johnson** dans ces cas-là ? Déjà, Dwayne ne se perdrait pas. Dwayne ne serait pas essoufflé comme un bœuf. Dwayne, il n’aurait pas peur de rencontrer un psychopathe, parce que Dwayne, il leur éclate la tête avec son petit doigt, aux psychopathes. Mais moi, je ne suis pas sportive, je n’ai aucun sens de l’orientation (j’arrive à me perdre à Carrefour) et je ne suis pas faite pour le survivalisme. J’ai envie de m’asseoir là, appeler les secours et pleurer. Ah oui, bonne idée, ça le téléphone. J’ai celui de la maman de Lia, elle préviendra Christine qui appellera les secours. Ou qui viendra me chercher parce qu’elle a appris à pister chez les scouts. Je ne suis pas un renard, mais elle devrait y arriver quand même. Je me tortille pour attraper mon portable qui est au fond de ma poche de jean. Je le déverrouille. Aucun signal. Dix pour cent de batterie. Me voilà bien.

A suivre…

Pour ne rien manquer, abonnez-vous!

*Affaires sensibles est une émission de France Inter, dans laquelle Fabrice Drouelle revient sur des faits divers (entre autres)

https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles

** Dwayne Johnson, alias The Rock, c’est lui:

Il a de belles dents, hein?

Publié par smiky76

Autrice cinéphile et lectrice enthousiaste

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