La sortie scolaire (8)

Huitième épisode

Pour résumer, dans mon bingo « vivez votre pire cauchemar », j’ai déjà coché :

– Perdre un enfant durant une sortie scolaire

– Courir

– Courir dans une forêt

– Me perdre en forêt

– Ne plus avoir de batterie sur mon téléphone

– Me retrouver seule face à un groupe de gamins

– Être paralysée mais consciente

Je trouve que c’est déjà pas mal, j’ai gagné quoi ? Une chose est sûre, plus jamais je ne me porterai volontaire pour accompagner une sortie ! Enfin, si je survis à Annabelle, Chucky et compagnie ! J’aurais dû regarder les films en question pour savoir comment cela se termine. Mais moi, je préfère les comédies romantiques, j’ai le droit, non ? Comment pouvais-je deviner qu’un jour j’aurais besoin des films d’horreur pour apprendre à survivre ? Je n’aurais pas pu être enlevée par Matthew McConaughey ou Ryan Gosling, plutôt ? Devant eux, j’aurais été naturellement pétrifiée, pas besoin de me donner de l’eau bizarre. Décidément, je n’ai jamais de bol. Voyons le côté positif des choses : si je m’en sors, je pourrai écrire un bouquin du genre : »J’ai été maraboutée par des enfants en forêt d’Orléans ». Sauf que personne ne me croira, tellement c’est énorme. Quoique sur YouTube, si je fais un beau montage avec retour sur les lieux des faits et musique dramatique, je peux faire un carton et gagner ma vie en récoltant plein de vues.

Mon cerveau s’emballe et me raconte n’importe quoi. La fille est encerclée par des enfants qui l’ont paralysée avec une substance inconnue, et elle pense déjà au moyen de monétiser la chose. J’ai Décidément vraiment le sens des priorités !

— Faisons plutôt un point santé, Martine.

— À vos ordres Jean-Pierre ! Voyons, le corps de notre patiente est immobile, mais sa respiration est normale. Voire anormalement calme étant donné les circonstances. Sa conscience ne semble pas altérée bien qu’elle soliloque et que sa pensée semble en discordance totale avec le contexte. Elle a, de plus, récemment développé des compétences sémantiques inattendues, employant un vocabulaire totalement étranger à son champ lexical usuel. Elle est en capacité de suivre les mouvements des enfants du regard. Elle ne semble ressentir aucune douleur, au contraire, elle est dans un état que l’on pourrait qualifier de bien être, c’est étonnant.

— Votre diagnostic, Martine ? Son cas est grave, mais pas désespéré, Jean-Pierre. Rien ne semble expliquer la raison de son état, nous allons devoir appeler les plus grands spécialistes des « kakonsépasskesé » :

— Fort bien, fort bien. Allo, Monsieur le spécialiste ?

— Oui c’est bien moi.

— Voilà, nous avons un cas étrange à vous soumettre. Notre patiente n’a aucune raison physique de ne pas être en mesure de se mouvoir et pourtant elle se trouve actuellement dans un état de catalepsie indéniable.

— Hum, eh bien je dois dire que c’est la première fois que je suis témoin d’une telle chose. Je ne vois qu’une solution, diffuser Gagnâmes Style. Si aucun mouvement n’est détecté au premier « woop, woop », son cas est très grave.

— Vous êtes sûr de vous, Monsieur le spécialiste ?

— Affirmatif ! Il n’y a pas d’autres solutions. Allons, le temps presse, commençons le protocole.

« Heyyyy, sexy lady, woop ! woop ! »

— Aucune réaction. Il nous reste une arme ultime mais je vous préviens, elle peut avoir des dommages collatéraux.

— Nous sommes prêts à tout Monsieur le spécialiste. Il faut sauver cette patiente. De quoi s’agit-il ?

Les sardines.

— Nooon ! tout mais pas Patrick Sébastien !

— Nous n’avons pas le choix. Je lance la musique.

« Ah qu’est-ce qu’on est serré, au fond de cette boîte ! »

— Argghhh !

Tous les scientifiques sont morts y compris le spécialiste, dans un sacrifice ultime. La patiente a survécu aux deux épreuves, mais elle devra affronter seule son destin désormais.

Mais qu’est-ce que je raconte ? En plus maintenant, j’ai « Hey ! Qu’est-ce qu’on est serré, Woop ! woop ! » qui se diffuse en boucle dans ma tête, voilà que je fais des remix improbables. Même dans mon délire, je pense à des chansons débiles et en plus d’être dans le pétrin, mon cerveau diffuse « radio débilos ». Je dois avoir de la fièvre ou un début d’AVC, que sais-je encore… Allez cocotte, reprends-toi, on n’est pas au mariage de Tonton Robert là, la situation est grave ! woop ! woop !

Pendant que mon esprit divague, un truc étrange se passe (enfin, dois-je m’étonner de quoique ce soit à présent ?) les enfants s’estompent. Je ne peux pas le dire autrement. Ils semblent s’effacer petit à petit, un peu comme sur une ardoise magique. Ils deviennent flous et pouf, partis ! Il ne reste que le petit que je prenais pour Lucas et la petite porteuse d’eau. Malheureusement, ma paralysie demeure, elle. Ce n’est pas franchement désagréable, j’ai un peu cette sensation qu’on a au moment où l’on s’endort. Une certaine pesanteur, une détente, comme si je m’enfonçais en moi. Ah mais voilà, j’ai trouvé ! Je suis dans un cours de méditation transcendantale !

Publié par smiky76

Autrice cinéphile et lectrice enthousiaste

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